Samuel Beckett est né le 13 avril 1906 à Foxrock, près de Dublin dans une famille de la bourgeoisie protestante Irlandaise. Il fait ses premières études dans une école protestante de Dublin, dirigée par un Français, c’est là peut être qu’il prend très jeune, cet intérêt pour la langue française qui doit le marquer toute sa vie. À 14 ans il est envoyé dans un collège anglo-irlandais, la Portora Royal School, à Enniskillen, école où Oscar Wilde fut lycéen.
Entre 1923 et 1927, Beckett étudie le français, l’anglais et l’italien au Trinity Collège de Dublin. Beckett y acquiert les fondements d’une culture qui fera de lui l’un des écrivains les plus érudits du 20ème siècle, il éprouve en particulier une véritable révélation pour Dante.
Une fois son « Bachelor of Arts » obtenu, il devient lecteur d’anglais à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, où il rencontre James Joyce, dont il devient l’ami et le collaborateur. C’est pendant ce séjour de deux ans, qu’il se fait une réputation de poète par un long poème, « Whoroscope », mi-sérieux, mi-plaisant. Son retour à Dublin, en 1930, comme maître de conférences au Trinity College marque le début d’une période d’instabilité, ses fonctions d’enseignant ne lui procurent aucune satisfaction, et il ne parvient pas à s’intégrer à la société irlandaise. Il démissionne de l’université. La mort de son père en 1933, lui ayant procuré quelques ressources financières, il voyage en Europe.
De retour à Paris en 1937, il décide de s’y établir définitivement, et s’installe dans un petit appartement rue des Favorites dans le 15ème arrondissement à proximité de Montparnasse. C’est à cette époque que lui arrive une aventure qui aurait pu être tragique : il est un soir poignardé, sans raison, par un clochard. Une action absurde qui le marque profondément. Son roman « Murphy » reçoit un accueil favorable de la presse anglaise. La guerre le surprend en Irlande où il rend visite à sa mère. De retour à Paris, malgré sa nationalité irlandaise qui lui assure le bénéfice de la neutralité, il rejoint la Résistance et s’intègre au réseau franco-anglais Gloria. Averti d’une trahison, il échappe juste à temps aux arrestations, et s’enfuit avec Suzanne, sa compagne. Ils se réfugient dans le Vaucluse, à Roussillon, chez les Bonnelly. Berthe Bonnelly restée seule avec son petit garçon Aimé, après l’arrestation de son époux, par les Allemands, les accueille. Beckett travaille comme ouvrier agricole et participe aux vendanges du domaine. Cette période a une importance capitale dans sa vie et dans son œuvre. Il découvre le monde rural, la faim, la peur, l’attente, le besoin de la combler… C’est là qu’il décide de faire du français sa langue littéraire de prédilection. C’est là aussi que nait le sujet de la pièce qui le rendra célèbre, « En attendant Godot », chef d’œuvre du théâtre de l’absurde, où il fait allusion à sa vie d’ouvrier agricole. Le 30 mars 1945, il se voit décerné la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance. De retour à Paris, détaché de son pays natal autant que de sa langue, c’est en français désormais qu’il écrit son œuvre, tant romanesque que théâtrale, ne revenant à l’anglais que pour de rares exceptions ou pour traduire ses œuvres dans sa langue natale. Malgré des conditions matérielles difficiles, entraîné par la certitude de sa vocation, il va vivre une véritable frénésie d’écriture.
Les écrits s’accumulent et c’est Suzanne qui parvient à trouver un éditeur, Jérôme Lindon, aux éditions de Minuit, pour ses romans, « Molloy », « Mallone meurt », « l’Innommable ». Et ce n’est qu’en 1953, grâce encore aux démarches de Suzanne, que Roger Blin monte la pièce « En attendant Godot », qui fut un événement théâtral, déchaînant des passions contradictoires et permettant à Beckett d’accéder à la notoriété. Dès lors le théâtre prend une place nouvelle dans sa vie, par l’écriture mais aussi comme metteur en scène de ses pièces. Il écrit « Fin de Partie » en 1954, « La Dernière bande » en 1958, « Oh ! les Beaux Jours » en 1960. Le scénario d’un film. Ses œuvres expriment l’angoisse devant l’absurdité de la condition humaine, le néant, l’impossibilité de communiquer. Le temps qui passe réduit les personnages à l’immobilité, on ne peut que meubler le temps de paroles, dont l’écho ne sert à rien. Ce pessimisme n’exclut cependant pas l’usage d’un certain humour, d’une immense entreprise de dérision. Avec le temps, il traite ces thèmes dans un style de plus en plus lapidaire, tendant à rendre sa langue de plus en plus concise et sèche. Sa notoriété n’en finit pas de s’étendre, entraînant de nombreuses sollicitations.
En 1969, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « son œuvre, qui à travers un renouvellement des formes du roman et du théâtre, prend toute son élévation dans la destitution de l’homme moderne », distinction qu’il considère comme une catastrophe, car elle accroît sa notoriété et l’intérêt de la recherche universitaire sur son œuvre. Il a horreur des mondanités et des devoirs qui y sont liés. Son éditeur, Jérôme Lindon va tout de même chercher le prix. Ses dernières années sont marquées par le besoin de solitude, et sa production littéraire reflète cette situation personnelle, « Mal vu mal dit », « solo », son style devient de plus en plus minimaliste, « Cap au pire »,(Worstward Ho) son avant dernier texte, est un cri d’une souffrance, d’une détresse inouïes où le langage est dépouillé, réduit à l’extrême, poussé aux limites du silence. Ce texte écrit en anglais, ne sera pas traduit par l’écrivain, tant il redoute de s’y replonger et d’en souffrir. Suzanne Beckett décède le 17 juillet 1989, et Samuel Beckett le 22 décembre de la même année. Ils sont enterrés au cimetière du Montparnasse.
Parmi les amitiés littéraires d’Alberto Giacometti (1901-1966), celle qui le lie à Samuel Beckett (1906-1989) n’est pas la plus connue, mais c’est l’une des plus durables. Elle remonte à 1937 et s’étend jusqu’à la mort de Giacometti en 1966. De profondes parentés rapprochent leurs œuvres plastiques et théâtrales qui s’expriment dans une collaboration exceptionnelle en 1961. En mars 1961, Beckett demande à Giacometti de concevoir le décor de scène de « En attendant Godot » pour sa reprise au théâtre de l’Odéon. Décor minimaliste, l’arbre que conçoit le sculpteur est frêle et fragile comme le sont ses figures humaines. L’arbre, resté au théâtre de l’Odéon, a disparu par la suite.